SECRETS DU RAZES ET DE L’ABBE SAUNIERE

            Le Razès est une entité territoriale et culturelle ancienne. Géographiquement il s’agit de la vallée de l’Aude entre sa sortie des Pyrénées, à peu près à Quillan, et Carcassonne, avec ses deux versants, en y ajoutant à l’ouest une zone de collines d’âge tertiaire portant la ligne de partage des eaux Océan-Méditerranée, tandis que le versant est appartient au massif des Corbières. La ville principale en est Limoux.
            L’étymologie du nom rend compte de l’ancienneté de l’individualisation historique du  Razès. Elle est la même que celle de Rennes-le-Château, village perché de la rive droite, et celle de Reddae, ou Rhedae, la forteresse qu’on situe sans certitude à l’emplacement de ce village. Elle fait référence aux Redones, ou tribu Redu, une tribu celte de la Bretagne française qui a donné son nom à la ville de Rennes. Que viennent faire ces Bretons dans la vallée de l’Aude ? Ce ne serait pas le seul exemple de tribu celte établie en plusieurs endroits éloignés les uns des autres : c’est avéré pour les Boïens de Bohême, du Nivernais et de la région d’Arcachon, comme pour les Vivisques de Vevey et du Médoc. Redones aurait donné Rennes en français, Razès en occitan. Quant à Reddae, c’est une forme latinisée ou résultant d’un mélange des langues celte et latine : Reda ou Rheda = chariot, ou Aer Reda = « serpent coureur », dieu celte.
            Remontant donc aux Celtes Tectosages, sans aller jusqu’au néolithique présent dans de nombreux mégalithes, le pays forme un pagus gallo-romain. Il garde son individualité dans le Royaume Wisigoth. On a supposé que le trésor réuni par le roi Alaric II, après le sac de Rome en 410, avait été caché dans le pays dès l’installation des Wisigoths, inaugurant pour lui à la fois une tradition de terre de refuge et de mystère. Une importante immigration juive se produit à cette époque. Reccared, le premier roi passé de l’arianisme au catholicisme, veut nommer un évêque à Reddae ; l’évêque catholique de Carcassonne s’y oppose mais, chassé par un évêque arien, va lui-même s’y réfugier.
Le Razès reste wisigoth, avec la Septimanie ( tout le Languedoc littoral ), après la bataille de Vouillé en 507, qu’une hypothèse récente situe, non pas près de Poitiers, mais non loin de là, entre Carcassonne et Narbonne, au pied de la Montagne d’Alaric. Toujours dans le sein de la Septimanie, le Razès se retrouve sarrasin de 719 à 760.
Il est érigé en comté par Charlemagne par démembrement de celui de Narbonne. Le premier comte, Guillaume de Gellone, est un pourfendeur de Sarrasins. Il est le fondateur de l’abbaye de Saint Guilhem-le-Désert et a aidé Benoît d’Aniane dans la réforme de la règle bénédictine. La légende en ferait un descendant des Mérovingiens par le fils de Dagobert II, réfugié dans le Razès, devenu Guillaume d’Orange dans le cycle des chansons de geste, marié à la sarrasine Orable ( ou Guibouro ). A partir du fils de Guillaume de Gellone, plusieurs comtes du nom de Béra se succèdent. Béra IV fonde en 807 l’abbaye d’Alet, plus tard affiliée à l’abbaye catalane de Saint Michel de Cuxa, avant de s’en séparer en 998 sous l’influence de Cluny.
Vers 870, le comté de Razès passe par succession au comté de Carcassonne puis, après le passage provisoire de celui-ci à la Catalogne de 1067 à 1194, à la vicomté de Carcassonne de Raymond Roger Trencavel, vassale du Comté de Toulouse.
En 1090 a été fondée l’abbaye de Saint Polycarpe, dans la mouvance de celle d’Alet, qui a reçu en 1096 la visite du pape Urbain II. Les Templiers ont plusieurs établissements dans la région dès 1127, date du retour de Terre Sainte de leur premier Grand Maître : Hugues de Payens. En 1156 leur Grand Maître est Bertrand de Blanchefort, qui a ses racines ici. Ils entreprennent des recherches apparemment minières, le pays recelant du plomb, du cuivre, de l’argent et de l’or. Mais ils emploient des travailleurs allemands qui sont non des mineurs mais des fondeurs.
En 1170, Reddae est détruite par le roi d’Aragon. Le catharisme s’implante fortement avec la bénédiction de Raymond Roger Trencavel. Lorsqu’éclate en 1197 à l’abbaye d’Alet une crise pour la succession de l’abbé Pons Amiel, Bertrand de Saissac, tuteur du jeune vicomte et sympathisant cathare, annule une première élection et fait élire, devant le cadavre de Pons Amiel trônant dans un fauteuil, un abbé plus indulgent pour les Cathares : Bozon. Cassée par le concile du Puy, l’élection restera en suspens jusqu’en 1222, tandis que sévit la croisade contre les Cathares. L’abbaye en restera affaiblie. Face à l’emprise des Croisés, semble avoir existé ici une collusion entre les Templiers et les Cathares.
En 1231, peu après le traité de Paris consacrant la domination française et le détachement du Razès de la vicomté de Carcassonne, le sénéchal Pierre de Voisins, qui a autorité sur le Razès, y démantèle les forteresses ….. mais fait reconstruire celle de Rennes-le-Château.
Lors du siège de Montségur en 1244, on sait que quatre « parfaits » ont réussi à s’évader en emportant ce qu’on suppose être un trésor. Un feu allumé sur la montagne de Bedorta par un envoyé de la famille d’Aniort, détentrice du fief du Razès, fait supposer que ce trésor a été caché dans celui-ci. Lorsqu’en 1247 Raymond Trencavel le Jeune, fils de Raymond Roger, abandonne la lutte contre les Croisés, les quatre frères d’Aniort, compromis avec lui, sont excommuniés et dépossédés, mais, comme lui, font l’objet d’une curieuse indulgence de la part du roi Louis IX, sous l’influence de sa mère Blanche de Castille. L’excommunication est rapportée, leurs biens leur sont en partie restitués, leur château n’est pas rasé ; Ramon d’Aniort est même reçu par le roi !
En 1283, Philippe III le Hardi, en visite dans le pays avec son fils, le futur Philippe IV le Bel, est reçu dans les familles Voisins et d’Aniort, notoirement amies des Templiers, et donc « suspectes ». En 1307, lors de la condamnation des Templiers, ceux du Razès sont épargnés bien que tout le Languedoc soit intégré au domaine royal depuis 1271.
En 1317, Limoux est un des trois nouveaux évêchés languedociens créés par le pape d’Avignon Jean XXII pour renforcer l’église occitane, avec Saint Pons et Saint Papoul. Les religieuses de Prouille, près de Fanjeaux, dont la maison est une fondation de Saint Dominique, et qui tiraient des revenus des établissements de Limoux, protestent. Si bien qu’en 1318 l’évêché de Limoux est déplacé à Alet.
En 1422 apparait pour la première fois le nom de la famille d’Hautpoul, originaire de la Montagne Noire. Pierre-Raymond d’Hautpoul épouse l’héritière des deux familles Voisins et d’Aniort.
Au 17ème siècle, un personnage important du Razès est Nicolas Pavillon, évêque d’Alet à partir de 1637. Il est un élément moteur de la confrérie du Saint Sacrement avec Saint Vincent de Paul et Jean Ollier, le fondateur de l’église et du séminaire de Saint Sulpice. C’est lui qui défend Nicolas Fouquet. Et il se trouve que peu après la condamnation de celui-ci, des fouilles sont ordonnées par Colbert dans la région.
Au 18ème siècle, François d’Hautpoul et Marie de Negri d’Ables, mariés en 1732, ont trois filles : la troisième, Gabrielle d’Hautpoul de Blanchefort, épouse le marquis Paul François Vincent de Fleury, franc-maçon et membre de l’ordre des Rose-Croix, refondé au siècle précédent par un allemand nommé Christian Rosenkreutz, mais dont l’origine lointaine se rattache au symbolisme des Templiers. Une querelle éclate entre les trois filles à la succession de leurs parents : l’ainée Elisabeth refuse de communiquer aux autres certains papiers réputés « dangereux ». Antoine Bigou, curé de Rennes-le-Château, est probablement au courant du contenu de ces papiers. Mais il en garde le secret. La Révolution étant survenue, il s’exile à Sabadell, en Catalogne, où il meurt en 1794, en l’emportant. Cependant Paul Urbain de Fleury, fils du marquis et de Gabrielle d’Hautpoul, se trouve à la tête d’une grande fortune jusqu’à sa mort en 1836. Il est inhumé à Rennes-les-Bains, la station thermale située au pied de la butte de Rennes-le-Château. Curieusement il a deux tombes, portant des dates différentes. L’inscription : « Il a vécu en faisant le bien », gravée sur l’une d’elles, symbolise son appartenance à l’obédience rosicrucienne.
 
L’importance de tout ce passé de mystère va rebondir lorsque François Béranger Saunière est nommé curé de Rennes-le-Château, en 1885. Agé de 33 ans, bon vivant, il est natif d’un village proche : Montazels. Il est fier de prendre possession de ce nid d’aigle, mais il a peu de fidèles ; on vit une époque d’anticléricalisme ; l’église et le presbytère menacent ruine.
Peu après son installation, il reçoit la visite d’Henri Boudet, curé de Rennes-les-Bains, personnage passant pour savant, auteur d’un ouvrage fantaisiste sur « la vraie langue celtique », et vivant dans l’opulence. En termes sibyllins, il invite son jeune confrère à une « coopération » commanditée par des gens influents et susceptibles d’apporter des fonds pour une restauration de la royauté. « Une fortune pour vous si vous savez vous y prendre » aurait dit Boudet à Saunière, en le chargeant d’une mystérieuse mission.
Lors des élections des 4 et 18 octobre 1885, Saunière commet un sermon incitant au « bon choix », c’est-à-dire au choix royaliste, qui lui vaut la suspension de son traitement par le préfet et la suspension « a divinis » par l’évêque de Carcassonne Mgr Billard. Ce dernier toutefois le nomme professeur au Petit Séminaire de Narbonne et lui octroie des fonds. Il sera réintégré par le préfet en 1886.
Très rapidement il va entreprendre des travaux de restauration. On sait que le coût des réparations les plus urgentes a été évalué à 2797 francs-or. Et c’est précisément un don de 3000 francs-or que lui fait la Comtesse de Chambord, veuve du prétendant au trône.
Une servante qui lui est envoyée par Boudet, Marie Dénarnaud, devient vite sa maîtresse.
Les travaux, poursuivis en accord avec la municipalité, se concentrent exclusivement au début sur l’intérieur de l’église. En déplaçant l’ancien autel pour le remplacer par un nouveau, Saunière trouve dans un pilier creux soi-disant wisigothique trois rouleaux de bois contenant cinq parchemins à première vue incompréhensibles. Ont-ils été placés là par le curé Bigou au moment de la Révolution ? Peu après, une dalle de l’allée centrale, soulevée, découvre un escalier ; les enfants que Saunière avait embauchés pour l’aider ont le temps d’apercevoir « un pot avec des objets brillants », mais il les congédie rapidement. Le 21 juin 1891, une inauguration et une bénédiction consacrent la fin des travaux, en cours depuis 1886.
En mars 1892, Saunière est adressé à Paris par l’évêque Billard, avec les parchemins. Il confie ceux-ci à un libraire nommé Ané, ami de l’abbé Bieil, directeur du séminaire de Saint Sulpice. Saint Sulpice est alors au centre   d’activités plus occultistes que catholiques. Saunière est introduit dans ce milieu par Emile Hoffet. Il y rencontre Joseph Péladan, fondateur en 1890 de son ordre personnel de la « Rose-Croix du Temple et du Graal », et diverses célébrités dont la cantatrice Emma Calvé, qui devient sa maîtresse, et qui, pour l’anecdote, est une lointaine cousine de Mélanie Calvat, la bergère de la Salette. On ne sait pas où passent les parchemins à ce moment-là. Bieil et Hoffet semblent en avoir gardé au moins un.
Sur ordre, Saunière se rend au Musée du Louvre et en repart avec des copies de trois tableaux : « Les bergers d’Arcadie » de Nicolas Poussin ( 1594-1665 ), « L’ermite Saint Antoine » de David Téniers le Jeune ( 1610-1690 ) et le « Portrait du pape Célestin V » par un anonyme ; le premier de ces tableaux : d’un peintre célèbre ; le deuxième : d’un artiste obscur ; le troisième : d’un auteur tout à fait inconnu.
Saunière revient à Rennes. Peu de temps après est construit, au hameau des Pontils, près d’Arques, au-dessus d’une boucle du ruisseau la Rialsesse, un tombeau, en remplaçant un autre détruit sous Louis XIV, et reproduisant exactement celui qui figure sur le tableau de Poussin.
Saunière a pour confesseurs et amis : Eugène Grasset, curé d’Amélie-les-Bains puis de Saint Paul de Fenouillet, et Jean Antoine Maurice Gélis, curé de Coustaussa. Le curé de Rennes poursuit maintenant des travaux dans le cimetière et s’intéresse particulièrement à l’épitaphe de la tombe de Marie de Negri d’Ables, marquise d’Hautpoul. Ses allées et venues suscitent les réactions de la population, mais la mairie lui accorde son soutien.
Le 5 novembre 1897, l’abbé Gélis est assassiné dans sa cure ; son sac de voyage a été forcé mais on y a laissé l’argent qu’il contenait ; ce crime ne sera jamais élucidé.
Saunière se déplace dans toute la région, souvent accompagné de Marie Dénarnaud. Il en rapporte de nombreux cailloux. Il effectue des voyages, ouvre de nombreux comptes en banque, et continue ses travaux d’aménagement. Il construit la villa néo-gothique « Bethania » et la « Tour Magdala » en l’honneur de Marie-Madeleine, patronne de l’église, avec un parc entre les deux. Il mène grand train, donne des réceptions où se côtoient la cantatrice Emma Calvé et Jean Salvator de Habsbourg, cousin de l’empereur d’Autriche François-Joseph, qui y vient sous le faux nom de Jean Orth.
En 1902, Mgr de Beauséjour remplace Mgr Billard à l’évêché de Carcassonne. Choqué par le luxe déployé par Saunière, il lui propose une autre paroisse : le refus de celui-ci le met hors-la-loi. Il refuse aussi d’expliquer la provenance de l’argent des travaux. A part la municipalité, tout le monde se ligue pour l’abattre ; on va jusqu’à l’accuser de simonie. S’il détient des secrets, il n’est pas apparemment en mesure de s’en servir pour se défendre. Suspendu de nouveau « a divinis », il fait appel en Cour de Rome où il aura gain de cause en 1913.
Mais il est désormais en proie à des difficultés financières.
Lorsque la guerre se déclenche en 1914, il est suspecté d’espionnage à cause de ses relations avec un archiduc autrichien, se défend maladroitement, est encore suspendu a divinis en 1915, mais tandis qu’est nommé un nouveau curé, continue d’officier dans la chapelle de sa villa Bethania.
Le 30 mars 1915, Boudet meurt après l’avoir appelé à son chevet. S’ensuit une véritable renaissance financière ! Boudet lui a-t-il transmis un trésor, ou des documents ?
Enfin le 17 janvier 1917 Saunière est victime d’une attaque grave. Avant de mourir, il a avec Rivière, curé de Couiza, un long entretien, d’où celui-ci ressort livide. Quel secret lui a-t-il communiqué ?
Le testament de Béranger Saunière est entièrement en faveur de Marie Dénarnaud, qui va vivre renfermée dans la villa Bethania, peu à peu dans une gêne qui l’oblige à vendre le domaine en viager. Elle mourra en 1953.
 
En 1956, un article de journal ouvre la série des publications de plus en plus romancées sur la vie de Béranger Saunière et sur le « mystère de Rennes-le-Château ».
L’afflux de touristes à l’église et dans tous les environs augmente rapidement, jusqu’à l’invasion et son habituelle exploitation, jusqu’à l’inévitable musée. La multiplication des fouilleurs amateurs obligera à prendre des mesures d’interdiction.
L’ornementation intérieure de l’église, hétéroclite et de mauvais goût, a de quoi intriguer par un parti pris d’inversion et l’impression qu’elle donne de contenir des messages cachés. A l’entrée figure l’inscription : « Iste locus est terribilis » ( Ce lieu est terrible ), tirée de l’épisode de Jacob dans la Genèse, et aussi «  Domus mea domus orationis vocabitur » ( ma maison s’appelle maison de la prière ) sans ajouter : « Mais vous en avez fait une maison de voleurs » selon la phrase de Jésus. Au tympan figure une statue de Marie-Madeleine portant sur sa robe une croix avec un serpent déployé et l’inscription : « Christ que j’ai aimé », en latin : «  Quem dilexi » et non : « Quem amavi », c’est-à-dire
 aimé au sens de prendre du plaisir. Le bénitier est soutenu par le diable. Sur le confessionnal est sculpté un berger cherchant sa brebis dans un souterrain. Le chemin de croix a sa première station à gauche, et non à droite de l’autel. De part et d’autre de celui-ci se dressent les statues de la Vierge et de Saint Joseph, portant chacun un enfant. Marie-Madeleine est encore représentée sur un tableau au-dessous de la table d’autel, dans une grotte devant une tête de mort, et sur un vitrail au-dessus de l’autel. La peinture du mur du fond représente le christ sur le Mont des Béatitudes avec les villes de Béthanie et de Magdala et une montagne de fleurs qui évoque le symbole des Rose-Croix, symbole retrouvé sous la forme d’une croix surmontant un groupe d’anges sculptés avec l’inscription : « Par ce signe tu le vaincras ». Enfin le pilier pseudo-wisigothique où ont été trouvés les parchemins, aujourd’hui au musée, est orné d’une croix à l’envers.
De toute cette histoire, depuis les Wisigoths jusqu’aux milieux ésotériques de la fin du 19ème siècle en passant par les Cathares, les agissements de quelques aristocrates et l’aventure de Béranger Saunière, se dégage l’idée de la transmission par une chaîne d’initiés, d’un secret. Ce secret pourrait concerner un trésor, qu’il soit d’Alaric, des Cathares ou des Templiers, ou des documents mystérieux : on a évoqué une généalogie prouvant l’existence d’un héritier légitime des Mérovingiens, ou encore …..
Voici qu’en 1967 l’ordre du « Prieuré de Sion », qui se veut l’héritier d’un ordre médiéval du même nom qui semble avoir été un ordre dissident du Temple, diffuse des copies des fameux parchemins découverts en 1886 par Saunière, qui refont ainsi surface. Deux d’entre eux contiennent des généalogies de la dynastie mérovingienne, qui se révèlent de peu d’intérêt ; le troisième est le testament d’Henri d’Hautpoul. Les deux derniers, qui ont pu être composés vers 1780 par l’abbé Antoine Bigou, présentent des passages du Nouveau Testament dont le déchiffrage est rendu difficile par la présence de lettres déformées, de lettres et de signes cabalistiques surajoutés.
Dès cette année 1967, Gérard de Sède publie son ouvrage « L’or de Rennes » dans lequel il montre que les « anomalies » des textes des deux derniers parchemins permettent des constructions géométriques constituant un message codé pour localiser sur le terrain l’emplacement du trésor, quel qu’il soit. Une dalle de pierre trouvée à Coume Sourde, près de Rennes-le- Château, présente une gravure géométrique rappelant les figures mises en évidence sur les parchemins.
 Cette étude va être reprise par deux Britanniques : Richard Andrews et Paul Schellenberger, qui publient leurs conclusions, en février 1997, dans un important volume intitulé : « La Montagne Sacrée ». Ils reprennent complètement la construction de figures géométriques sur les deux parchemins, mais aussi sur tout une série de tableaux : les trois tableaux dont Saunière avait rapporté les copies, une seconde version des « Bergers d’Arcadie » par Poussin moins connue que la première, une illustration intitulée « La Fontaine de Fortune » du roman allégorique  de René d’Anjou de 1457 : « Le Cuer d’Amour espris ». Une concordance apparait entre toutes les figures obtenues ainsi qu’une parenté nette avec une figure individualisable sur la carte de Jérusalem dessinée au 13ème siècle par les Templiers, déposée à la Bibliothèque Royale de la Haye. Concordance encore avec l’inscription de la tombe de Marie de Negri d’Ables, décédée le 17 janvier 1781, qui avait tant intéressé l’abbé Saunière, elle-même très analogue à celle d’une pierre d’autel gravée, trouvée aussi dans la région.
Ainsi, au cours des siècles, les détenteurs du secret semblent bien avoir multiplié les représentations du message codé conservant ce secret.
La transcription de ce message sur la carte permet d’identifier, autour de Rennes-le-Château, divers jalons, dont plusieurs croix pattées analogues et une croix ornée du symbole de la Rose-Croix, des villages, des châteaux. Trois de ces derniers forment un triangle permettant de localiser le « site » de ce qu’on peut continuer d’appeler le trésor. Ces trois châteaux sont ceux d’Arques, de Serres, et la fameuse Tour Magdala de Saunière. Tous trois présentent des échauguettes d’angles rondes semblables d’où il est possible de surveiller le « site ». Celui-ci se trouve sur le versant ouest du Mont Cardou ou Pech Cardou, un peu à l’est de Rennes-le-Château, au pied d’une falaise dont le profil assez caractéristique se retrouve dans certaines des figures géométriques reconstituées, ainsi que sur la silhouette des personnages d’un tableau illustrant un livre d’heures du 16ème siècle : « Les Pauvres, les Malades et les Malheureux aidant le Christ à porter sa croix ». Il a même pu être repéré par la présence d’un éboulis artificiel très ancien et d’une plateforme de forage, indiquant l’existence probable d’un tunnel conduisant peut-être à une chambre souterraine.
Quant à la nature de ce qui est caché là, les divers auteurs cités évoquent, bien sûr, le Graal, ce mythe éternellement poursuivi, déjà envisagé avant eux à propos de cette énigme du Razès. Une légende ne dit-elle pas que Joseph d’Arimathie, porteur du sang du Christ, aurait débarqué en Provence avec Marie-Madeleine. Mais ils vont plus loin en rappelant la « gnose », cette doctrine adoptée par certains des premiers Chrétiens, selon laquelle le Christ aurait survécu à la crucifixion, sa résurrection devant être interprétée comme spirituelle, ce qui n’est pas au fond très loin de la conception cathare. Ces Chrétiens « gnostiques » ont été persécutés, contraints de se cacher, notamment en Egypte, gardant peut-être un secret dont les Templiers ont pu être les dépositaires, et qu’ils ont pu ramener en quittant la Terre Sainte. Le « gnosticisme » a connu un certain regain de mode au 18ème siècle. La réalité, connue des seuls « gnostiques » a peut-être été le départ du Christ de Terre Sainte à la recherche d’un lieu retiré où sa présence serait définitivement ignorée, pourquoi pas cette vallée reculée de la « Province Romaine », vrai désert dans un pays lui-même peu peuplé. On a même pu imaginer qu’il y avait vécu avec Marie-Madeleine et avait pu y avoir une descendance.
Ce serait alors le corps du Christ qui dormirait, avec sa vérité cachée, dans les flancs du Mont Cardou, et en plein pays cathare ; ou, à tout le moins, des documents susceptibles d’ébranler redoutablement la Chrétienté. L’Eglise, l’Etat, oseront-ils prendre le risque d’autoriser les fouilles qui mettraient peut-être un terme, mais à quel prix, à l’énigme du Razès ?

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