Histoire de la Bastide : les restes de l'enceinte

La première bastide, la bastide de Saint Louis, construite de 1247 à 1262, était plus étendue que la seconde, reconstruite de 1356 à 1359 après sa destruction
par le Prince Noir en 1355.
Le tracé de son enceinte avait la forme d’un quadrilatère : du côté de l’est, il allait jusqu’au bord de l’Aude ; au sud il correspondrait à peu près au Quai
Bellevue et engloberait une partie du quartier des Capucins ; à peu près jusqu’à la Rue du 24 février ; à l’ouest il correspondrait sensiblement à l’Allée d’Iéna ; au nord il déborderait le canal à mi-chemin du Pont d’Artigues , recoupant la Rue Crozals et l’Avenue du Président Roosevelt, puis suivrait à peu près la limite nord du Square André Chénier au bord du canal,
la Rue Prosper Montagné et une ligne qui la prolongerait jusqu’à l’Aude. Le mur était fait de cailloux roulés, torchis et arases de brique, renforcé en digue du côté de l’Aude.
Cette bastide comprenait 143 carrons. 
La seconde bastide, la « bastide du Comte d’Armagnac », était plus réduite en surface, avec seulement 62 carrons. Le tracé de son enceinte, tel qu’il nous est familier grâce aux éléments qui en subsistent, est un hexagone irrégulier avec un côté nord de 360 mètres, un côté nord-ouest de 416 mètres, un côté nord-est de 400 mètres, un côté sud-ouest de 200 mètres, un côté sud-est de 200 mètres et un côté sud de 580 mètres.
Cette enceinte, entièrement en pierre, relevée à partir de 1439, comporte des tours rondes aux quatre angles principaux, dont à l’angle sud-ouest une « Tour Grosse », et à l’angle sud-est un impressionnant système de défense avec une porte et un pont-levis. Il y a quatre portes fortifiées : au nord, dans l’axe de l’actuelle Rue Clemenceau ; au sud, à l’emplacement de l’actuelle Porte des Jacobins ; aux angles ouest et est, dans l’axe de la Rue Mage, actuelle Rue de Verdun. 

Au sud, l’église Saint Michel est incorporée au rempart, avec son chemin de ronde. Tout autour, il y a un fossé de 12 mètres de large, 5 de profondeur. Cette enceinte est entièrement reconstruite en 1590, un peu en retrait, avec un mur en gros appareil, de 1,50 à 3 mètres d’épaisseur. Aux angles principaux, 

quatre bastions englobent les vieilles tours ; ces bastions ont une forme de coeur ; leur pointe, dirigée vers l’extérieur, en angle obtus, est appelée « musoir » ; les flancs s’arrondissent en « orillons », raccordés aux courtines par des renfoncements où s’ouvrent des poternes. Un « ravelin » s’élève en outre au milieu du côté nord-ouest. La porte de l’est est déplacée à l’endroit correspondant au débouché actuel de la Rue Aimé Ramond. Il y a encore des échauguettes aux extrémités des rues coupées par le rempart. Les fossés persistent identiques, alimentés par les infiltrations drainées vers l’Aude par deux rigoles : le « toual »,face à la Rue Mage, et l’ « escouladou » à l’angle nord-est.

Quelques remaniements sont opérés au XVIIème siècle, avec en 1657: l’installation de glacières, dont certaines seront conservées jusqu’en 1914. A partir
de 1778 est entrepris le comblement des fossés et l’établissement de boulevards en surélévation, au sud et à l’est. A partir de 1810 commence la démolition du
rempart et la création des boulevards actuels et de leurs promenades boisées,bordés de maisons et hôtels particuliers.

Deux des bastions d’angle sont bien conservés.
Le bastion sud-est, appelé de Montmorency ( d’une grande famille possessionnée dans la région ) ou des Jacobins ( du fait de la proximité du couvent de cet ordre ) ou de Rebouilh ou de Coste ( Dominique Rebouilh, pharmacien,
Coste son gendre ….. et Coste-Rebouilh, fils du précédent ) était le plus important stratégiquement et a longtemps abrité une garnison dans ses salles souterraines. Il a servi de magasin à poudre à la Révolution. Au XIXème siècle, une loge maçonnique « Napoléon » a siégé dans une de ses salles souterraines et y a laissé des fresques de Jacques Gamelin ( ou de son fils de même prénom ), avec des symboles initiatiques. Un jardin occupe sa terrasse, inclus en 1930 dans la clinique du Docteur Delteil : on y trouve un érable méditerranéen de 2,40 mètres de circonférence et de nombreuses essences rares. L’ensemble est bien conservé avec sur les murs des cartouches héraldiques ( armes des Montmorency …. Ou des Coste-Rebouilh ).
bh.

Le bastion sud-ouest, appelé bastion de la Tour Grosse au . siècle ( du nom de la Tour grosse remontant au XIVème siècle ), puis bastion du Moulin en 1701,
en raison de la présence d’un moulin à vent à son sommet, est aujourd’hui le bastion du calvaire ; un calvaire y a en effet été aménagé en 1825-1826 par une confrérie religieuse pour concurrencer les francs-maçons établis dans le bastion sud-est. La destruction de ce bastion, envisagée en 1900, a été évitée grâce à de vives réactions des habitants du quartier.

Paragraphe 4

Le bastion nord-ouest, bastion de Saint Martial ( ou Saint Marcel ) ou de la Miséricorde, tire son nom d’une ancienne église champêtre, ne subsiste qu’en partie. Il a été la propriété de Jean-Baptiste Marragon ( 1741-1829 ), député de l’Aude. 

Sous la Restauration, il a été menacé par un projet de lavoir et d’abattoir à l’est ( de part et d’autre de l’actuelle Rue Albert Tomey ), non réalisé. Jusqu’en 1848, les bâtiments de l’orphelinat de la Miséricorde des Soeurs de Saint Vincent de Paul en ont été mitoyens, avec le « Jardin des Soeurs » sur sa terrasse. A partir de 1878, le musoir, le flanc et l’orillon de gauche ont été démolis pour construire l’école laïque de garçons « du bastion », livrée en 1879, agrandie en 1923. En 1905, le percement de la Rue du Mail ( aujourd’hui Jules Sauzède ) l’a encore amputé. 

A l’angle de cette rue et de la Rue Saint Jean ( aujourd’hui de la Liberté ) la fontaine dite « de l’artichaut » a été détruite à la même époque. Restent le flanc et l’orillon de droite, et le plus beau morceau du rempart, de part et d’autre de la Rue Albert Tomey. 
Il ne reste aucune trace du bastion nord-est, le bastion de la Figuière, ou de la Mercy, ou des Carmes, ou de Landremont, ou de la Ligni, ou Courtejaire, ou du Bourreau. Construit avec les pierres du couvent des Cordeliers, il tire son nom le plus connu d’une terrasse garnie de figuiers : le jardin Fabre-Vidal. Après plusieurs projets non réalisés ( 1877 : annexe de l’école des Frères ; 1882 : nouvelle halle aux grains, école laïque, bourse du commerce ), il a été totalement démoli en 1885, occasion de deux découvertes : le squelette d’un homme de 40 ans, tué par un coup lui fracassant le crâne 25 à 30 ans auparavant ; et un trésor en pièces d’argent qui fut réparti entre les ouvriers du chantier. La maison du 43 Boulevard Jean Jaurès, arrondie à l’angle de la Rue de la Liberté, est
à l’emplacement de l’orillon de droite.
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Le ravelin de Saint Antoine, qui se situait entre les débouchés des actuelles Rues du Quatre Septembre et de la République, a totalement disparu.
Une seule des quatre portes subsiste, au sud, dans l’axe de la Rue Courtejaire : la Porte des Jacobins.
A l’origine Porte Saint Louis ou des Prédicateurs, elle est reconstruite une première fois en 1625 : Porte des Casernes. Celle qui nous est parvenue est une reconstruction de 1778-1779, en pierre de Pezens, par Pagnon, de Saint Paul de Fenouillet, sur les plans de l’architecte carcassonnais Dolbeau.
L’armorial a été réalisé par le sculpteur carcassonnais Pierre Parent ( ou Parant ) : à l’extérieur : les armes du Roi avec les cordons de Saint Laurent et
Saint Michel ; à l’intérieur : les armes de la ville. A la Révolution, les armoiries sont martelées et elle devient Porte de la Fraternité.
En 1812, elle prend son nom de Porte des Jacobins, en souvenir des deux derniers emplacements du couvent des Jacobins, à l’extérieur puis à l’intérieur de
la porte. Elle sera parfois appelée Porte Barbès au cours du XIXème siècle. Elle a longtemps été défigurée par des affiches et des réclames, un urinoir, le
baraquement de l’écrivain public, le bureau de placement des domestiques, tout cela supprimé en 1910. L’espace des Jacobins a toujours été un lieu de
rassemblement, avec le mât de cocagne. L’ensemble est bien conservé. On trouve encore, juste à l’intérieur, une des deux fontaines données par Louis IX le 10 juin 1253, qui malheureusement ne coule plus ! De part et d’autre de la Porte des jacobins restent quelques fragments du rempart, surtout au flanc sud de la
cathédrale Saint Michel, où l’on a même dégagé la base d’une tour. 
La porte nord, dans l’axe de la Rue Clemenceau, a disparu. C’était en 1786 la Porte Dillon, du nom de l’archevêque de Narbonne et Président des Etats, en
remerciement de la décision de faire passer le canal à Carcassonne. Le projet de la remplacer par une porte analogue à la Porte des Jacobins n’a pas vu le jour.
De la Porte de Toulouse, à l’ouest, dans l’axe de la Rue de Verdun, jadis encadrée de deux ormeaux, qui a vu la cérémonie d’accueil de Louis XIII en 1622,
il ne reste que des piliers d’entrée, probablement du XVIIIème siècle.
Rien ne subsiste, à l’est, de la Porte des Cordeliers ou des Fraimenous ( Frères Mineurs ), dans l’axe de la Rue Aimé Ramond, avec sa barbacane et son
pont-levis, qui avait remplacé en 1570 la porte située dans l’axe de la Rue Mage ( actuelle Rue de Verdun ).