Basilique Saint Nazaire Saint Celse

         On ne sait pas pourquoi la plus ancienne et la plus vénérable église de Carcassonne est consacrée à Saint Nazaire et à son disciple Saint Celse, auxquels est également vouée l’ancienne cathédrale de Béziers, qui ont aussi été choisis comme patrons par le chapitre de Beaucaire, tandis que, loin du Languedoc, Saint Nazaire donnait son nom au grand port breton.
            Nazaire était un jeune romain, fils d’un officier de l’Empire. Converti par sa mère Perpétue, il partit prêcher à travers l’Italie, accompagné d’un autre tout jeune homme, Celse. Tous deux furent arrêtés et emprisonnés à Milan,  s’évadèrent et gagnèrent Trèves, où ils furent de nouveau arrêtés et jetés dans la Moselle ; échappant à la noyade, ils revinrent à Milan, où ils furent finalement décapités en 68, sous Néron. Le grand archevêque Saint Ambroise exhuma leurs corps en 395 et plaça leurs reliques dans l’église des Saints Apôtres qu’il venait de faire construire. Canonisés, les deux martyrs sont fêtés ensemble le 28 juillet.
Historique
            Deux églises ont précédé l’édifice actuel, au même emplacement, dans l’enceinte romaine de la Cité, à son extrémité sud au contact des remparts, moins étendus qu’aujourd’hui dans cette direction. La première était contemporaine de Sergius, premier évêque historique à partir de 577, sous le roi wisigoth Leuwigild. A noter qu’à côté de ce premier évêque historique, la légende  propose comme premier évêque Saint Hilaire, celui sur le tombeau duquel fut fondée la célèbre abbaye des Corbières, à ne pas confondre avec Saint Hilaire de Poitiers, père de l’Eglise, son aîné de 200 ans.  La seconde église a remplacé la première sous Saint Gimer, évêque de 903 à 932, et a été érigée siège épiscopal, siège auparavant détenu par une église du faubourg : Sainte Marie et Saint Sauveur. Ces deux premières églises n’ont laissé aucune trace.
La cathédrale romane a été construite à partir de 1096, date de la bénédiction de ses matériaux par le pape Urbain II, le 11 juin, au cours de son long périple pour prêcher la première croisade ; contemporaine de la grande abbatiale de Cluny, elle se place au début de la période classique de l’art roman ( ou du Deuxième Art Roman ) ; c’est l’époque de la Vicomté de Carcassonne, Béziers et Albi, récemment constituée par la dynastie Trencavel et vassale du Comté de Toulouse, époque marquée également par une première reprise de l’enceinte intérieure de la Cité et la construction de son château.
Saint Dominique a prêché en cette cathédrale en 1219. Cet homme dont la seule arme a été la persuasion est mort bien avant que l’ordre qu’il avait fondé, celui des Frères Prêcheurs ou Dominicains ( ou plus tard Jacobins ), soit chargé de l’Inquisition.
La décision de remplacer l’église romane par une église gothique a été prise par le roi de France Louis IX en 1269, après la croisade contre les Cathares et peu avant l’annexion du Languedoc à la couronne en 1271, qui a été consécutive à la mort sans enfant d’Alphonse, frère cadet du roi, dernier comte de Toulouse, et de sa femme Jeanne, fille du dernier comte de la dynastie des Raymond : Raymond VII. Bernard de Capendu, évêque de 1266 à 1278, a été autorisé à prélever du terrain sur la voie publique pour la réalisation du projet. Mais les travaux ont été réalisés seulement sous les deux successeurs de    Louis IX, Philippe III le Hardi (1270-1285 ) et Philippe IV le Bel (1285-1314 ), peu après la troisième campagne de construction de la Cité ayant comporté le doublement de l’enceinte, et en même temps que la quatrième campagne. Mais, faute de crédits suffisants, la reconstruction n’a concerné que le transept et le chœur ; elle a épargné le corps principal, selon un heureux scénario qui a sauvé de même beaucoup d’églises romanes ou parties d’églises romanes. Le chantier s’est achevé sous l’épiscopat de Pierre de Rochefort, ou Roquefort       ( 1300-1321 ) et celui de Pierre Rodier ( 1323-1330 ).
Quelques remaniements ( malheureux ) ont été apportés sous l’évêque de Grignan ( 1681-1722 ). Dès le milieu du 18ème siècle ( 1745 ), l’attrait de la ville basse a décidé Armand Bazin de Bezons, évêque de 1731 à 1778, à y transférer sa résidence, dans l’hôtel particulier de cette époque qui abrite aujourd’hui la préfecture. Et en 1803, sous l’évêque de la Porte, premier évêque concordataire, Saint Nazaire a perdu son titre de cathédrale au profit de Saint Michel. A la Révolution, la cathédrale déchue a subi les pires outrages, transformée en magasin à fourrage ! Classée monument historique en 1840, elle a été heureusement restaurée à partir de 1845 par Eugène Viollet-le-Duc, comme la Cité et la cathédrale Saint Michel, et a enfin été honorée en 1898 en étant érigée en basilique mineure.
La basilique Saint Nazaire n’est pas une très grande église : ses dimensions intérieures sont : 59 m. pour la longueur totale, 16 m. pour la largeur du corps principal, 36 m. pour la longueur du transept. Elle est construite en grès local, qui est aussi le matériau majoritaire de l’enceinte et du château de la Cité.
Extérieur
On l’aborde par le nord, sur la place Saint Nazaire, rebaptisée du nom de l’archiprêtre Pierre Pont ( 1880-1964 ), où l’hôtel de la Cité occupe l’emplacement originel de l’évêché. La façade nord du corps principal roman n’offre rien qui retienne l’attention ; le portail qui s’y ouvre, à cinq voussures reposant sur des colonnettes à chapiteaux sculptés, et surmonté d’un rang de modillons également sculptés, bien que daté de 1125, passe curieusement inaperçu, comme si l’œil le plus incompétent discernait de suite à quel point il est restauré ! La façade occidentale n’est pas accessible ; on peut cependant la voir depuis le rempart lorsqu’on y su(b)it la visite guidée ; comme c’est souvent le cas des églises médiévales languedociennes, c’est la façade lisse d’une forteresse, surmontée au sud d’un clocher trapu crénelé, au nord d’une tourelle reliée au précédent par une arcade ; il ne s’y ouvre aucun portail. L’extérieur du transept et du chevet, qui ne pouvait dépasser que  peu en hauteur le corps principal, montre les attributs habituels du gothique : fins contreforts surmontés de menus clochetons, ici sans arcs-boutants, balustrade ajourée avec guirlande de feuilles, gargouilles et têtes saillantes, tourelle pentagonale à l’angle nord-ouest du transept, clocheton hexagonal à l’angle sud-ouest, porte double ( actuellement condamnée ), surmontée d’un gâble sculpté, sur le bras nord du transept. Une chapelle du 13ème siècle, dont on reparlera, est accolée au bras sud du transept ; quelques arcades contre le mur de la façade sud, visibles depuis le théâtre de plein air, sont tout ce qui reste du cloître, détruit en 1792. Au total l’extérieur de l’église n’a rien de remarquable.
 
 
Intérieur du corps principal roman
Tout l’intérêt est à l’intérieur. On y pénètre le plus souvent par une petite porte s’ouvrant au nord de la première travée, au contact de la tour nord de la façade. On se trouve plongé dans la pénombre et la fraîcheur d’une église romane à trois nefs du modèle régnant dans une vaste zone allant de la Loire à la péninsule ibérique, et probablement originaire de Catalogne : l’église-halle. La nef centrale y dépasse de peu en hauteur les bas-côtés (ou nefs latérales ), elle est dite aveugle ; les trois nefs sont voûtées de pierre et couvertes d’un même toit à deux pentes. Ce modèle s’oppose à l’élévation basilicale, dominante au-delà de la Loire et du Rhône, au nord comme au sud des Alpes, où la nef centrale dépasse nettement les nefs latérales par un « clair-étage » s’éclairant par des fenêtres hautes, où au moins la nef centrale est à l’origine couverte en charpente, et où les trois nefs ont des toits distincts. Tandis que la « basilique » ( au sens architectural ) est inondée de lumière, l’église-halle n’est éclairée que par les fenêtres des murs latéraux et éventuellement, ce qui n’est pas le cas ici, par des fenêtres de façade ou celles d’un pignon dépassant le chœur ; d’où la pénombre et la fraîcheur, bienvenues dans les pays de soleil ; d’où aussi une assurance contre l’incendie, obsession au moyen-âge.
Le corps principal roman de Saint Nazaire comporte donc trois nefs et six travées, la première surmontée du buffet d’orgue dont on reparlera. Les supports sont des piliers alternativement carrés à demi-colonnes engagées ( les premiers, deuxièmes, quatrièmes et sixièmes ) et ronds, de gros diamètre ( les troisièmes et cinquièmes ). Les demi-colonnes des piliers carrés sont coiffées de chapiteaux, à la base des grandes arcades et, du côté de la nef et des bas-côtés, à la naissance des voûtes. Les piliers ronds sont coiffés, à la base des grandes arcades, d’une élégante couronne sculptée de plusieurs rangs de billettes, surmontée, du côté de la nef et des bas-côtés, de courtes demi-colonnes coiffées de chapiteaux. Les grandes arcades sont en plein cintre, ce qui reste la règle dans l’art roman méridional ( les arcades en cintre brisé apparaissent dans l’art roman bourguignon ). La nef centrale est voûtée en berceau brisé avec doubleaux, les bas-côtés en berceau plein cintre, ou ( très ) légèrement brisé dans le bas-côté sud, également avec doubleaux. Architecture romane dépouillée, comme souvent en Languedoc, Catalogne, Provence, mais très bien appareillée, déjà savante, robuste. On y ressent paix et sérénité, peut-être parce qu’elle correspond à une époque certainement rude mais de foi paisible et unanime, où l’Eglise n’a encore connu aucun déchirement, et pour le Languedoc à l’époque d’avant le drame cathare.
Les chapiteaux romans
Les chapiteaux, au nombre de 52, malheureusement difficiles à voir dans la pénombre faute d’un éclairage adapté, ont été notablement restaurés, mais n’en gardent pas moins un certain intérêt et gagneraient à être mieux connus ; ils sont sculptés de motifs de feuillages riches et variés :  nombreuses variantes du motif corinthien, feuilles d’eau, palmettes, acanthes, associées à des rosaces centrales et des volutes latérales, avec ciselures d’une grande finesse. Un seul, celui du côté ouest du deuxième pilier nord, présente une tête de monstre crachant des motifs serpentins aux enroulements compliqués.
Le transept et le chœur gothiques
L’éclairage de la partie gothique pénètre déjà dans les dernières travées de la nef ; et c’est de la croisée qu’on voit finalement le mieux la partie romane, en profitant de cet éclairage. Quand on se retourne vers le chœur, le contraste est saisissant, violent : tout est jaillissement et lumière. Les supports sont d’une grande finesse, au point que des barres métalliques, qui sont d’origine, les solidarisent ; ils donnent une impression de hauteur, bien que celle-ci soit modeste, n’ayant pas pu trop dépasser celle du corps principal. Ce sont deux piliers carrés à demi-colonnes engagées à l’entrée du chœur à sept pans, et dans chacun des bras du transept deux piliers ronds délimitant avec des cloisons peu élevées trois absidioles rectangulaires. Les ogives sont également simples et élancées ; la voûte du chœur est sexpartite. Il n’y a de vrais murs qu’à l’ouest du transept; ailleurs ils ne s’élèvent que jusqu’à la base des verrières, avec des arcatures aveugles autour du chœur et au fond du bras sud ; l’impression est que « tout est verrière ».
C’est un gothique français, celui de la Sainte Chapelle, de Notre-Dame, de Saint Denis, exceptionnel dans les pays du sud. Bien différentes et plus tardives seront les versions régionales de l’art gothique, dans lesquelles les églises, mis à part les ouvertures cintrées et le voûtement d’ogives, gardent souvent l’allure générale et la silhouette de leurs ainées romanes, mais revêtent aussi des formes originales ; l’art gothique languedocien, proche du catalan, est caractérisé par ses nefs uniques très larges, ses contreforts puissants encadrant des chapelles latérales et ses travées courtes couvertes de compartiments d’ogives tout en largeur ; les deux églises de la ville basse lui appartiennent. Si l’art roman est universel ou à patries multiples, dans tout le territoire de l’Eglise romaine, l’art gothique a une seule patrie : l’Ile-de-France ; ailleurs, même s’il produit quelques chefs-d’œuvre, il reste un art d’importation.
Du gothique de Saint Nazaire de Carcassonne, que n’a-t-on pas dit ? « Floraison gothique au ciel roman », « bouquet de lys efflorescents déposé sur la pierre austère et nue de la nef occitane » ; on serait tenté de dire aussi : symbole arrogant de la domination royale.
Les vitraux
Les vitraux ont capté le regard avant même qu’il se porte sur l’architecture. Ils forment un des plus beaux ensembles de vitraux médiévaux du sud de la France. Ils ont été restaurés en 1850 par les frères Gérente à Paris, déposés de 1940 à 1950 et mis à l’abri à l’abbaye d’En Calcat ( entre Revel et Castres ), restaurés de nouveau sur place en 2002 . L’aide de jumelles est recommandée pour qui veut les détailler.
Dans le chœur, le vitrail central, daté des années 1280, peut-être le plus ancien vitrail gothique du sud de la France, représente la vie du Christ en 16 médaillons, à lire de gauche à droite mais de bas en haut. C’est dans la même disposition que sont présentés leurs sujets ci-dessous :
            Descente de croix   |   Mise au tombeau
            Portement de croix   |   Crucifixion
            Arrestation du Christ   |   Flagellation
            Entrée à Jérusalem   |   Cène
            Massacre des Innocents   |   Christ parmi les docteurs    
Présentation au Temple   |   Fuite en Egypte
            Nativité   |   Adoration des Mages
            Annonciation   |   Visitation
Il faut y ajouter la Résurrection du Christ et la Résurrection des morts dans les trois trilobes du haut.
            Les deux vitraux voisins sont du 16ème siècle.
Celui de gauche ( en regardant bien entendu depuis la croisée ) peut être daté  d’après les deux blasons mêlés des évêques Pierre d’Auxillon                       ( 1497-1512 ) et Martin de Saint André ( 1513-1546 ) figurés à sa partie tout inférieure ; il représente : en bas Saint Celse présenté par sa mère à Saint Nazaire, en haut Saint Saturnin ( ou Saint Sernin ), l’évangélisateur de Toulouse, à moins que ce ne soit Saint Hilaire ( le premier évêque légendaire de Carcassonne ), portant la croix, en compagnie de Saint Gimer ( évêque de Carcassonne de 903 à 932 ), portant la crosse.
 
Le vitrail symétrique de droite, portant aussi les écussons des deux évêques précédents, représente en haut la Nativité de la Vierge, en bas sa présentation au temple par ses parents Joachim et Anne.
En s’écartant du vitrail axial viennent ensuite deux vitraux du 14ème siècle.
Celui de gauche, daté de l’épiscopat de Pierre de Rochefort                          ( 1300-1321 ), représente les vies de Saint Pierre dans le compartiment de gauche, et de Saint Paul dans le compartiment de droite, dont les scènes sont à lire de bas en haut et sont énumérées ci-dessous dans la même disposition :
Vie de Saint Pierre ( à gauche ) :
Crucifiement, la tête en bas
Pierre comparait à Rome devant Néron
Délivrance miraculeuse de Pierre
Arrestation de Pierre
Pierre envoie Paul et Barnabé à Jérusalem
Pierre guérit un paralytique
Pierre reçoit les clés du Royaume
Jésus appelle Simon-Pierre et son frère André
Vie de Saint Paul ( à droite ) :
            Paul est martyrisé à Rome
            Paul prêche devant l’Aréopage
            Paul s’embarque pour la Grèce
            Paul rédige une de ses lettres
            Paul bénéficie de la vision de la Sainte Trinité
            Paul reçoit le baptême
            Paul entre aveugle à Damas
            Paul sur le chemin de Damas : sa conversion
            Le vitrail symétrique de droite représente les vies de Saint Nazaire et Saint Celse en 8 scènes doubles se lisant, là encore, de gauche à droite et de bas en haut et énumérées dans la même disposition :
Saint Ambroise fait déposer les corps des deux martyrs dans la basilique des Saints Apôtres
Les deux saints sont décapités ; Saint Ambroise découvre leurs corps
Le préfet de Trèves fait jeter les deux saints dans la Moselle ; ils échappent à la noyade et retournent à Milan
Sortis de la prison de Cimiez, les deux saints se mettent en route pour Trèves ; là on les arrête
Ayant reçu comme compagnon Celse, présenté par sa mère, Saint Nazaire le baptise ; tous deux sont ensuite emprisonnés
Saint Nazaire, battu par le gouverneur de Milan, persiste dans sa prédication
Saint Nazaire annonce l’Evangile et visite dans leur prison les Saints Gervais et Protais ( eux aussi martyrisés et ensevelis à Milan )
Saint Nazaire, baptisé par Saint Lin, successeur de Saint Pierre, prend congé des siens
Tout en bas du vitrail figurent, selon une invention des restaurateurs, à gauche Roma et Gemellus ( Rome et Cimiez ), berceaux respectifs de Nazaire et Celse, à droite Mediolanum ( Milan ), lieu de leur martyre et de leur sépulture.  
            Enfin les deux grisailles terminant de chaque côté la série datent du 18ème siècle ( ou du 19ème ).
On retrouve deux vitraux du 14ème siècle dans les premières chapelles des deux bras du transept.
A gauche ( au nord )( chapelle Notre-Dame ), avec des couleurs particulièrement somptueuses, c’est l’Arbre de Jessé avec, dans le compartiment central, de bas en haut : Jessé, David, Salomon, Roboam, Abias, Asa, Josaphat, et Joram, et au sommet de l’arbre la Mère du Sauveur avec au-dessus d’elle trois colombes ; dans les compartiments latéraux des prophètes ; tout en haut figure le Jugement Dernier.
A droite ( au sud )( chapelle de la Sainte Croix ) c’est l’Arbre de Vie. Ce thème est inspiré d’un opuscule mystique, « Lignum vitae », de Saint Bonaventure, franciscain docteur de l’Eglise ( 1217-1274 ) contemporain de Saint Louis ; c’est un arbre portant les fruits spirituels de la méditation sur la Passion et la Croix du Christ ; il figure souvent dans la peinture murale catalane et languedocienne mais on a ici le seul exemple de sa représentation dans la peinture sur verre. Sur un fond alternativement rouge et bleu s’élève l’arbre au tronc vert, sur lequel s’appuie la croix, rouge, du Christ, et d’où naissent douze branches, chacune à neuf bouquets de trois feuilles et portant un fruit. A la base, une autre Crucifixion, déjà disparue au moment de la restauration, a été remplacée par erreur par Adam et Eve autour de l’arbre de la Tentation entourés de l’arche de Noé et de l’arche d’Alliance, alors que devaient être figurés les quatre fleuves du Paradis ; c’est l’eau d’un fragment persistant, à gauche, qui a dû être la source de la confusion.
Les deux rosaces, au fond de ces bras du transept, clôturent la série.
Celle du nord, du début du 14ème siècle, peut-être de la fin du 13ème, est consacrée à la Vierge, reine des cieux ; elle est formée de douze pétales subdivisés en deux et terminés par un trilobe, avec une merveilleuse harmonie de rouges, jaunes ,verts et bleus, et finalement une dominante mauve ; au centre, le Couronnement de la Vierge est une restauration ; tout autour figurent des anges, des prophètes et des saints. 
La rosace du sud, du 14ème siècle, postérieure à la précédente, célèbre le Christ en majesté ; elle est composée de douze pétales entourés de vingt-quatre demi-pétales ; les couleurs sont à dominante turquoise ; au centre, le Christ est représenté tenant un livre, encadré par deux exemplaires du blason de Pierre de Rochefort ; dans les angles du bas sont figurés Saint Pierre et Saint Paul. Dans « L’œil écoute », Paul Claudel consacre une page aux rosaces des  cathédrales de France ; voici ce qu’il dit de Saint Nazaire de Carcassonne : « Et enfin nous avons Saint Nazaire de Carcassonne où la rose a cessé d’être multiple et ne garde plus de la monstrance architecturale qu’un triple dessin de corolles concentriques inscrites dans un rayonnement rectiligne. Mais la Rose ne serait pas complète sans cette frise lumineuse au-dessous qui lui sert à la fois d’émanation et de support, pareille à cette frange du vêtement de la France mystique dont parle le psaume 44, une rangée seule comme à Paris, ou comme à Amiens, deux rangées superposées, une espèce de déversoir ! » ( ? ).
Les vitraux des deuxième et troisième chapelles de chaque bras du transept sont du 19ème siècle.
La sculpture gothique
Les vitraux éclipsent les œuvres sculptées. Pourtant les 22 statues du 14ème siècle qui ornent les piliers précédant le chœur et les piliers du chœur lui-même sont des représentantes plus qu’honorables d’une statuaire gothique française dans le style de celle du portail de la cathédrale de Reims ; ces statues ont en plus le mérite d’être taillées dans la masse de leurs supports. De même que l’architecture gothique française de Saint Nazaire est bien différente de l’architecture gothique languedocienne, plus tardive, cette statuaire gothique très française, qui nous parait un peu guindée, est différente de la statuaire gothique languedocienne, elle aussi plus tardive, dont la Vierge qui surmonte la Porte Narbonnaise, avec son gracieux déhanchement, est un délicieux exemple. Ces statues ornent 12 piliers. Voici leurs emplacements en partant de la croisée du transept et en allant de gauche à droite :
    1er pilier :côté ouest vers le transept : Vierge à l’Enfant
                     côté nord vers la chapelle Notre-Dame : Saint Joseph
                     côté sud vers le chœur : Saint Nazaire
                      côté est ( derrière la Vierge ) : Saint Celse
   2ème pilier : côté ouest : Vierge de l’Annonciation
                                 côté nord : l’Archange Gabriel
                      côté sud : Saint Barthélemy 
   3ème pilier : Saint Jean
   4ème pilier : Saint Jacques le Majeur
   5ème pilier : Saint Philippe
   6ème pilier ( à gauche du vitrail central ) : Saint Pierre
   7ème pilier ( à droite du vitrail central ) : Saint Paul
   8ème pilier : Saint Thomas
   9ème pilier : Saint Jacques le Mineur
   10ème pilier : Saint Matthieu
   11ème pilier : côté nord : Saint André
                           côté sud : Sainte Hélène
                           côté ouest : Saint Simon ou Saint Jude
               12ème pilier : côté est : l’Ange de la Passion
                                      côté nord vers le choeur : Saint Jude ou Saint Simon
                                      côté sud vers la chapelle de la Sainte Croix : le Christ
                                      côté ouest vers le transept : Saint Gimer
La perle de la sculpture de Saint Nazaire, c’est au fond du bras nord du transept, dans la troisième et dernière chapelle, qu’il faut aller la chercher : c’est une Pieta de pierre polychrome qu’on date du 16ème siècle, dont le visage pathétique rappelle celui de la célèbre Notre-Dame de Grâce du musée des Augustins à Toulouse, qui est du 15ème siècle.
Les diverses chapelles des bras du transept, haussées sur quelques marches en marbre de Caunes, abritent quelques autres statues. La seule qui doive vraiment retenir l’attention se trouve dans la première chapelle sud, la chapelle de la Sainte Croix, celle du vitrail de l’Arbre de Vie ; c’est la Trinité, sculpture de pierre du 14ème siècle, précieuse par sa rareté, représentant Dieu le Père assis avec son fils en croix entre ses genoux, et le Saint-Esprit, sous forme d’une colombe ( mutilée ), sortant de sa bouche. La Vierge à l’Enfant dorée de la première chapelle nord, la chapelle Notre-Dame, est une copie par moulage de celle de la chapelle des Assomptionnistes de Paris, œuvre majeure de la sculpture parisienne du 13ème siècle, très abîmée par la Commune. Le groupe de Sainte Anne et la Vierge, dans la deuxième chapelle nord, la chapelle Sainte Anne, est une œuvre en terre cuite, aimable, sans plus. Le bon Saint Roch, dans la deuxième chapelle sud, qui porte son nom, et Notre-Dame de la Santé, dans la troisième, la chapelle Saint Joseph, également en terre cuite, sont d’un art populaire familier. Le gisant d’albâtre de l’archevêque de Narbonne ( de 1413 à 1421 ) Gérand du Puy, entre le chœur et la première chapelle nord, s’inscrit dans la luxueuse banalité gothique. Plusieurs autres sépultures d’évêques occupent aussi le fond de ces chapelles.
Autres curiosités
Le mur occidental du bras sud du transept présente trois curiosités : une épitaphe indéchiffrable du 15ème siècle, la « pierre du siège » du 13ème, et la pierre tombale d’un chevalier.
La pierre du siège, du 13ème siècle, bas-relief qui est probablement un fragment de sarcophage, est ainsi appelée parce qu’elle montre un enchevêtrement de combattants devant un rempart crénelé ; on ignore de quel siège il s’agit, mais certains aimeraient bien qu’il s’agisse de celui de Toulouse en 1218 par Simon de Montfort, chef de la croisade contre les Cathares, siège où il trouva la mort, frappé par un boulet de pierre lancé par une machine actionnée par une femme, selon la mémoire occitane.
Quant à la pierre tombale, ce n’est pas la sienne, contrairement à ce que certains guides indiquaient naguère ; si son corps a bien reposé ici jusqu’en 1224, on a ensuite renvoyé cet indésirable dans son pays ( à l’abbaye des Hautes Bruyères ).
Il y a aussi une cloche, déposée là ; est-elle fêlée ? Elle date de 1531, elle est classée monument historique ; son inscription signifie : « Le Christ est vainqueur, le Christ règne, le Christ gouverne. Qu’il nous garde de tout mal. L’an 1531 ».
Dernier élément à signaler avant de quitter le transept pour revenir vers la nef, au fond du bras nord, à droite de la porte : l’épitaphe de Sans ( ou Sanche ) Morlane, archidiacre qui protégeait les Cathares, dont il était au moins sympathisant, qui fut au cœur de la révolte dite « rage carcassonnaise » contre l’Inquisition en 1285, mais ne fut jamais vraiment inquiété ; un des exemples de la complicité parfois rencontrée du clergé officiel avec les « hérétiques ». A rapprocher de la révolte déclenchée en 1303 par le franciscain Bernard Délicieux contre les excès des Dominicains en charge de l’Inquisition ; mais lui fut condamné au « mur » ( la prison ) à perpétuité, et il y mourut.
Les chapelles Saint Pierre et du Sacré-Coeur
L’époque gothique a encore flanqué les deux dernières travées de la partie romane de deux chapelles, du 14ème siècle.
An nord, la chapelle Saint Pierre ( ou Saint Jean ) abrite la sépulture de l’évêque Pierre de Rochefort ; celle-ci est surmontée d’un trop prétentieux  monument sculpté composé de trois niches sous des gâbles ciselés, contenant les statues de l’évêque en grande tenue, entouré à droite de son grand archidiacre Pons de Castillon, à gauche de son archidiacre mineur Gasc de Rochefort, au-dessus d’une procession de religieux ; comme on est loin du dépouillement et de l’anonymat romans ! Le mur opposé au monument s’orne des statues de Saint Pierre et de Saint Paul, du même auteur. La clé de voûte de la voûte sexpartite est bien entendu aux armes de l’évêque. L’un des vitraux, celui du haut du mur ouest, est contemporain de la chapelle et conçu comme une glorification de la Saint Trinité.
Au sud, la chapelle du Sacré-Cœur, ou Saint Laurent, est elle aussi funéraire ; elle abrite, plus discrètement, la sépulture de l’évêque Pierre Rodier, successeur du précédent.
Mobilier de la nef
S’il vaut mieux ne pas s’attarder à la chapelle Saint Antoine de Padoue, dans la quatrième travée du bas-côté nord, où le pauvre saint n’a droit qu’à une statue bien indigne de lui, le bas-côté sud offre deux jolies pièces sculptées : dans la troisième travée un bénitier roman de grès, du 12ème siècle, formé d’une coupe à six faces taillées en torsade, reposant sur une plinthe et sur un fût de colonne torse ; et dans la chapelle des Bonnes Nouvelles de la deuxième travée,  du 15ème siècle, à l’élégante voûte ogivale sexpartite, une cuve baptismale en marbre inaugurée en 1430 pour célébrer la prise d’Orléans par Jeanne d’Arc ; occasion de rappeler la constante fidélité du Languedoc, pourtant conquis tragiquement, à la couronne royale, notamment lors de la guerre de cent ans.
Il est permis d’apprécier ou non le style Empire de la chaire.
Le grand orgue
Indiscutable est par contre la valeur de l’orgue auquel sera dédié le dernier coup d’œil de la visite. Avec peut-être des parties datant de 1522 ( ou 1544 ), sa première construction est due à Crespin Verniole en 1637-1639 ; on peut lui attribuer le grand sommier à gravures intercalées du grand-orgue et du positif ; subsiste aussi de cette époque la partie centrale du buffet du grand-orgue en tiers-point, œuvre de deux ébénistes carcassonnais : Jean Rigail et Jean Mélair. De 1680 à 1687, il a été reconstruit par Jean de Joyeuse, organiste de la cathédrale et organier ; il a refait notamment toute la tuyauterie                 ( bourdons, principaux cornets, anches : trompette, clairon, cromorne ) ; cette tuyauterie, identique à celle de la cathédrale d’Auch, a été entièrement restaurée et reclassée selon l’ordre d’origine. En 1772-1775, Jean-Pierre Cavaillé, ancêtre des Cavaillé-Coll, a procédé à un agrandissement de l’instrument, qui reste visible sur le grand buffet, œuvre de l’ébéniste Louis Courdeau ; il a aussi ajouté un positif de dos ; de lui sont encore les deux plates-faces et les deux tourelles extérieures du grand buffet, le buffet du positif de dos, les tuyaux de façade correspondants et les sommiers du positif de dos et de pédale ; trois anciens soufflets cunéiformes pourraient enfin lui être attribués.  Il y a eu quelques restaurations au 19ème siècle. En 1900-1904, Michel Roger, ancien élève de la Maîtrise de Carcassonne et facteur d’orgues à Bordeaux, a entrepris une restauration qui a défiguré l’instrument ; il a heureusement laissé intacts les sommiers ainsi que la plus grande partie de la tuyauterie de Joyeuse et de Cavaillé. En 1962 est fondée la Société des Amis de l’orgue de la basilique, en vue de promouvoir des concerts et de financer la restauration de l’instrument qui se délabrait de plus en plus. Cette restauration est entreprise en 1982 par Bartolomeo Formentelli et achevée pour l’Ascension 1985. Le facteur a respecté scrupuleusement le matériel ancien et a repris la composition laissée par Jean-Pierre Cavaillé ; il a copié tous les tuyaux neufs sur l’ancienne tuyauterie ( même alliage, même forme, même facture ). Cet orgue a fait l’objet de deux arrêtés de classement comme monument historique, en 1840, en même temps que l’édifice, pour son buffet, et en 1970 pour sa partie instrumentale.
Chapelle de Guillaume Radulphe
La chapelle de Guillaume Radulphe ( ou Guilhem Razouls, évêque de 1255 à 1266 ), du 13ème siècle, déjà signalée, accolée au sud du transept, lui est antérieure, ce qui explique le niveau plus bas de son sol et les quelques marches à descendre pour y accéder. Elle n’est malheureusement pas ouverte au public. Sous ses deux travées précédant une abside à cinq pans, elle enferme le tombeau de cet évêque. Il comporte un sarcophage sculpté sur trois registres : l’inférieur met en scène de façon réaliste le cortège funèbre de l’évêque ; le moyen présente une inscription à la louange du défunt ; le supérieur est un bandeau vigoureusement sculpté de motifs végétaux. Ce sarcophage est surmonté d’une dalle avec, sous une arcade trilobée, la statue de l’évêque, muni de sa crosse et bénissant de la main gauche.
La traduction de l’inscription du sarcophage est la suivante : « Inscription du monument du vénérable père Guillaume Radulphe, par la grâce de Dieu évêque de Carcassonne, qui fit construire cette chapelle et y affecta un prêtre, d’autre part fut évêque onze ans vingt-cinq jours, et mourut après une vertueuse vieillesse et une grande miséricorde l’année 1266, le sixième jour des calendes d’octobre, à l’heure des vêpres ». 
Une chapelle qui en est l’exacte réplique a été construite dans sa propriété par Jean-Pierre Cros-Mayrevieille, l’homme qui est à l’origine de la restauration de la Cité. Une autre réplique de cette chapelle existerait à New-York !
Conclusion
On ne saurait mieux faire que reprendre en conclusion ce que disait Monsieur l’abbé Jean Rocacher, professeur d’Art Sacré à l’Institut Catholique de Toulouse, auteur de l’édition précédente de cette brochure.
« Nous avons essayé, au cours de cette visite, de goûter la beauté de cette église et de savourer les œuvres qu’elle renferme. Pouvons-nous aller plus loin et chercher à connaître la signification d’ensemble de cet édifice ? La question est légitime, car les constructeurs de la basilique des Saints Nazaire et Celse n’ont certainement pas laissé au hasard la disposition des lieux et le programme de la décoration. Les transformations décidées au 13ème siècle ont porté non pas sur la nef des fidèles mais sur le lieu de la célébration, le chœur et les chapelles orientales… Ceci est déjà significatif.
Et là, nous l’avons vu clairement, les vitraux et les sculptures sont consacrés au Christ, à la Vierge Marie, aux Apôtres ( en mettant l’accent sur Saint Pierre et Saint Paul, « colonnes de l’Eglise » ), aux Saints évêques et protecteurs de la cathédrale de Carcassonne. Vous avez été sûrement frappés par la subtilité de l’iconographie des deux chapelles placées à l’entrée des deux croisillons du transept. Souvenez-vous.
A gauche, la chapelle Notre-Dame, illuminée par l’Arbre de Jessé, voisine avec le pilier de l’Annonciation et avec celui de la Vierge à l’Enfant. A droite, la chapelle de la Sainte Croix, embellie par l’Arbre de Vie, voisine avec le pilier de Sainte Hélène et avec celui de l’ange de la Passion accompagnant le Christ.
Ainsi donc, c’est l’Eglise qui est présente ici dans toute sa signification biblique et théologique, à travers les symboles et les images de son enracinement terrestre. L’esthétique du choeur et du transept de la basilique des Saints Nazaire et Celse est celle d’un jardin de Lumière et de Vie dans lequel l’arbre du péché originel a fait place à l’Arbre de Jessé, porteur de la vie nouvelle, à travers l’Arbre de la Croix. Et c’est dans ce nouveau jardin  de vie qu’est l’Eglise, au milieu de son peuple racheté, que se rend présent le Seigneur ressuscité, source de toute sanctification par l’Eucharistie et par les autres sacrements ».
Reste à dire qu’au-delà de ce qu’on éprouve en admirant les chefs d’œuvre comme les œuvres plus modestes qu’elle renferme, quelque chose d’indéfinissable et de très profond est ressenti par qui, croyant ou non-croyant, songe à l’histoire du Languedoc, dont les souvenirs l’imprègnent.     
   
 

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