B CUSSAC

LA PREMIERE GUERRE MONDIALE D 'AFRIQUE
par Bernard CUSSAC, 12/04/01

De 1991 à 1994, j'ai été attaché militaire au Rwanda où la guerre avait éclaté depuis le 1er Octobre 1990.
L'exposé de ce soir a pour but de vous montrer comment une événement survenant dans un petit pays de l'Afrique des Grands Lacs a provoqué la déstabilisation de toute la région.
Si vous le voulez bien, je ferai une rapide présentation géographique du Rwanda, un aperçu sur son histoire, le positionnement des acteurs au soir de l'attentat, les conséquences de cet attentat et ses implications sur la situation actuelle.
1 - Géographie
C'est un pays d'un peu plus de 26 000 Km², soit à peu près la superficie du Languedoc Roussillon.
Il est situé en Afrique de l'Est, à 2° en dessous de l'équateur, entre l'Organda, la Tanzanie, le Zaïre et le Burundi.
Son problème réside dans sa population qui, en 1993, était de 7,5 M d'habitants soit une densité brute des 285 H/ Km2 (France 102) est composée de 3 ethnies : Hutu 87%, Tutsi 12% et Twa 1 %.
La densité de population est la plus forte d'Afrique, le taux de fécondité est de 9 enfants par femme en âge de procréer.
2 - Histoire
Le royaume tutsi était structuré depuis le 14° Siècle lorsque, en 1890, le Rwanda intègre l'Afrique orientale allemande.
En 1916, ce pays est placée sous mandat belge, la colonisateur maintenant la domination Tutsi jusqu'en 1959, date à laquelle les hutu, ethnie majoritaire, en ayant assez d'être exploitée, prennent le pouvoir.
Plusieurs milliers de Tutsi pourchassés, émigrant dans les pays environnants où l'histoire les retrouvera pendant que leur pays d'origine accède à l'indépendance le 1e, juillet 1962.
Si l'opposition entre tutsi et hutu est ancestrale, celle opposant les hutu du Nord au hutu du Sud conduit au coup d'état qui, le 7 Juillet 1973, amène le Général Habyarimana au pouvoir.
Sous la direction de ce dernier, la Rwanda est l'enfant chéri des ONG et de la coopération internationale alors que, dans le même temps

  • l'Ouganda est déchiré par d'incessantes guerres civiles,
  • la Tanzanie est ruinée par les expériences christo-marxistes de son Président - Gourou, - le Burundi est ravagé par le génocide, à petit feu, des Hutu,
  • le Zaïre n'en finit pas de se déliter.

3 - Positionnement des acteurs
Depuis 1988, les cours du thé et du café, les deux principales exportations, se sont effondrés.
La pression internationale du lobby tutsi, installé à l'étranger , se fait de plus en plus pressante. Le régime du Président Habyarimana est secoué par une opposition intérieure depuis la conférence de la Baule.
Depuis le 1e` octobre 1990, le Front Patriotique-, Rwandais (FPR) créé en Ouganda occupe une partie du territoire Rwandais. Au prétexte de protéger ses ressortissants devant pratiquer un gouvernement ouvert à toutes les tendances, le FPR a installé dans la capitale, avec l'accord de l'ONU, une unité de 600 hommes puissamment armés.
L'opération française, baptisée NOROIT, en place depuis le 3 octobre 1990 et qui avait réussi à maintenir tous les équilibres et à empêcher tous les excès, a quitté le territoire depuis 3 mois, à la demande des tutsi, des Etats-Unis et à la satisfaction du gouvernement français.
La MINUAR (Mission des Nations Unies pour l'Assistance au Rwanda) comporte environ 2000 hommes, de 12 nationalités différentes, au matériel et à l'armement hétéroclites. Elle a pour mission de participer au maintien de la sécurité.
Depuis le 5 Avril, 400 marines américains, accompagnés d'hélicoptères de combat sont arrivés à Bujumbura, capitale du Burundi, où la situation est parfaitement calme.
Dans le même temps, l'attaché militaire US auprès du Rwanda, en résidence au Cameroun, se trouve à Kigali quelques heures avant l'attentat.
Nous sommes le 6 Avril 1994, il est 20 H 30. La capitale se fait, comme tous les soirs, l'écho des rafales d'armes automatiques ; les institutions fonctionnent plutôt bien . Le Falcon du Président est en approche de Kigali, de retour de Dar-Es-Salaam en Tanzanie dans le carde des négociations avec le FPR lorsqu'il est touché par 2 missiles sol-air de fabrication soviétique.
Les troupes du FPR foncent sur Kigali, bousculant l'armée rwandaise, la MINUAR n'intervient pas même lorsqu'elle est sollicitée. Les étrangers seront évacuées à partir du 9 Avril par des parachutistes français et belges.
Le 12 Avril, sur l'ordre du gouvernement français, nous fermons l'ambassade de France.
Le 21 Avril, l'ONU confie à la France la mise sur pied de l'opération Turquoise qui, en permettant à des centaines de milliers de hutu de se réfugier au Zaïre, privera le FPR d'une victoire totale qu'il ira chercher dans la guerre du Kivu dans un premier temps, du Zaïre en fait.
4 - La guerre du Kivu
1.250.000 hutu fuient la vengeance tutsi et se réfugient au Zaïre où ils devraient être soutenus par le régime de Mobutu, alors que, dans le même temps, Kabila et son alliance de ces forces démocratiques, éternels maquisards des armées 60, sont utilisés par les nouveaux maîtres rwandais pour donner à leur action la paravent d'une coalition ethnique contre le gouvernement de Mobutu.
Au prétexte de vouloir installer un bouclier de protection sur les franges ouest du Rwanda, la nouvelle armée tutsi massacre des dizaines de milliers de réfugiés hutu dans les camps dans lesquels ils s'étaient installés et les poursuit à travers le Zaïre, les refluant jusqu'en Zambie, en Angola, au Congo, en RCA, c'est à dire dans des pays aux équilibres économiques et politiques fragiles qui vont être profondément déstabilisés.
Profitant de cette opportunité, Kabila soutenu dans un premier temps par le Rwanda, l'Ouganda mais aussi en sousmarin par les Etats-Unis, marche sur Kinshasa dont il renversera le Président.
Tous les pays de la région se rangent d'un côté ou de l'autre,

  • l'Angola, la Namibie et le Zimbabwe du côté de Kabila
  • l'Ouganda, le Rwanda et la Burundi de l'autre côté.

Six Pays étrangers se battent donc sur le même territoire de l'ex-Zaïre, pour une multitude de raisons, soit 35 000 soldats au .moins. Par ailleurs, 9 bandes rebelles luttent au Congo dans le dessein de renverser les gouvernements de pays voisins. Toutes pillent le pays.
Ces conflits se traduisent par une série de guerres liées entre elles et qu'alimentent les luttes ethniques, les appétits de pouvoir et les richesses de ces régions.

Les motivations des adversaires sont aussi embrouillées que le sont les conflits. Pour ceux qui combattent Kabila - après l'avoir soutenu - le point fondamental est la rivalité dévastatrice entre hutu et tutsi qui secoue le Rwanda et le Burundi depuis quelques années. Le Rwanda est intervenu au Zaïre pour contenir les milices hutu, l'Ouganda pour soutenir le Rwanda, le Burundi pour combattre ses propres rebelles hutu. Plus au Sud, l'Angola a besoin de Kabila pour lutter contre les rebelles de l'Unita, la Namibie est là pour aider l'Angola et le Président du Zimbabwe s'est porté au secours de Kabila pour des raisons d'ambition personnelle afin d'être une puissance qui compte dans la région et parce que ses généraux s'enrichissent de l'exploitation du bois, de l'or, des diamants et des métaux de l'ex-Zaïre.
La participation de ces nations au conflit a propagé, à son tour, des ondes de choc du fait des réfugiés qui affluent ou des rébellions opportunistes qui opèrent en Zambie, au Burundi, en Tanzanie et au Soudan.

Ce qui complique encore la situation est la rivalité, sur la plan de l'autorité régionale entre le Président ougandais et celui du Zimbabwe.
C'est une guerre à la fois moderne et primitive, menée avec des hélicoptères de 0 combat et bombardements aériens, mais plus souvent encore par des bandes d'hommes armés de fusils et de machettes qui se déplacent dans une forêt aussi impénétrable que celle que découvrait Stanley en 1878.

Nul ne connaît le nombre de victimes qui s'établit aux environs de 1.000.000, auxquelles il faut ajouter les 700.000 à 800.000 du génocide rwandais de 94 sans oublier les 40.000 à 50.000 hutu liquidés depuis par le pouvoir tutsi à l'intérieur des frontières rwandaises.

Voilà le lourd bilan de l'attentat perpétré contre l'avion d'un président africain, avion qui était piloté par trois anciens militaires français, attentat dont les premières victimes furent, outre les 3 pilotes français, deux adjudants-chefs de gendarmerie français et l'épouse de l'un d'eux assassinés chez eux sans qu'aucune instance nationale ou internationale ne réclame une enquête qui aurait permis, officiellement, de montrer du doigt les coupables.